Chiloé, l'archipel enchanté
Chiloé est composée d'une grande île accompagnée d'un chapelet d'îlots situés au sud ouest de Puerto Montt. Elle marque le début de la grande région sud du Chili faite d'une côte extrêmement découpée et de milliers d'îles très sauvages formant de multiples golfes, canaux, fjords qui descendent jusqu'en Terre de Feu, à l'extrême pointe de l'Amérique du sud.
Chiloé est l'une des plus grandes îles mais est surtout la plus proche de la partie continentale du pays. Elle est donc l'un des rares archipels habités de cette Patagonie chilienne. Plusieurs fois, on nous a conseillé de visiter cette petite Irlande australe, et de prendre le temps de s'y balader. Nous reprenons donc le volant pour une deuxième semaine itinérante.
L'autoroute venant de Santiago se termine, selon toutes les cartes, à Castro, capitale de Chiloé au centre de l'île. Pourtant, point de pont géant qui enjambe le golfe d'Ancud qui sépare l'île du continent. Le bac est cependant très grand et à forte fréquence. En 30 minutes, bus, camions et voitures débarquent de l'autre côté de « l'autoroute » et continuent leur voyage sans encombre.
Nous quittons ce flux principal pour nous perdre dès les premiers virages sur un petit chemin de cailloux qui nous mène à une grande plage de galets. Face à la baie, les fesses sur un rocher plus gros que les autres, nous surprenons quelques loups de mer longeant la côte à la recherche de poissons frais. Pour nous, c'est thon en boîte avant de reprendre la piste vers Quemchi et Dalcahue. Ces chemins de traverse nous font découvrir l'ambiance de l'île : des pâtures, des forêts et tout de même pas mal de petites maisons éparses, toujours de bois, arborant leurs tavaillons de façade. Chacune semble choisir un motif de découpe différent ; on remarque donc des bardages en écailles de poissons, en escaliers, coupés droit ou en biais... Les couleurs sont parfois vives, ou souvent délavées par les multiples averses et tempêtes hivernales. On pressent la rudesse de la vie sur cette île soumise aux caprices de l'océan, bien que ces jours-ci le temps soit magnifique. Les paysans et pêcheurs ont la peau tannée mais la terre semble arable, la végétation luxuriante et la mer généreuse.
L'architecture de bois, certainement importée avec les charpentiers marins, est aussi à l'origine de l'une des grande fierté des chilotes : leurs églises. Chaque hameau de l'archipel possède sa chapelle ou son église, toutes sous l'égide de la cathédrale de Castro. Une grande majorité de ses édifices religieux est classée au Patrimoine National Chilien mais une douzaine environ est listée au Patrimoine Mondial de l'Unesco. Notre balade chilote est d'ailleurs ponctuée de la visite de ces dernières. A Dalcahue où nous passons notre première nuit, nous découvrons la première de la série.
Cette grosse bourgade vit essentiellement de la pêche. Malheureusement nous sommes vendredi et le poisson frais manquera tout le week-end à la carte des restaurants. Il paraît que les pêcheurs ont commencé leur congés de fin de semaine un peu plus tôt en ce début décembre !
Sur Quinchao, l'île qui fait face à Dalcahue, plusieurs églises classées Unesco (dont celle d'Achao) prennent place au milieu de paysages d'un vert intense sur fond de bleu marin et de ciel moucheté de nuages blancs. La vie paraît tranquille et paisible en ce samedi de printemps et les points de vue sont bien dégagés. Où sont donc les crachins maintes fois annoncés ?!
Après 2 jours à parcourir la campagne chilote, nous rejoignons Castro. La ville compte environ 40 000 habitants et son centre est très actif. La place arbore un grand sapin décoré. De plus, le Téléthon national occupe beaucoup les habitants ce week-end. De nombreuses actions prennent place dans l'hyper-centre proche de l'hôtel. On entend par la fenêtre aussi bien les appels au don que les carillons annonçant la période des fêtes de Noël.
Située sur la côte est de l'île, sur un promontoire s'avançant sur la mer, la ville crée deux baies abritées sur les bords desquels les « palafitos » se sont construits. Ces maisons sur pilotis sont une curiosité née une fois de plus de la forte relation avec la mer. Le bord de mer n'est pas vraiment visible depuis la « costanera ». Seules les habitants ou hôtes des hôtels installés dans ces cabanes améliorées en profitent. Cela dit, les plages de galets sous les plate-formes sont parfois peu ragoutantes ; les villes de pêcheurs n'ont pas toujours les plus beaux bords de mer... Par contre, vues depuis la berge d'en face, les façades sur mer offrent un jeu de couleurs et de formes pittoresques, surtout quand elles peuvent se refléter dans l'eau par marée haute.
Un peu plus au sud, la ville de Chonchi fait face à Lemuy, une île relativement grande parmi toutes celles à l'abri à l'est de la grande île. Elle est tout aussi facile d'accès que Quinchao par quelques minutes de traversée en bac et nous réserve surtout quelques jolies vues sur la nature profonde de l'archipel :
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prairie d'un vert fluorescent où paissent chèvres et moutons sur fond de mer largement occupée par les fermes piscicoles de saumons ou de coquillages,
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maisons et églises (toujours de bois) entourées de champs de fleurs,
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plages si peu fréquentées que les cochons y mangent tranquillement les algues.
Après avoir bien parcouru la côte est de l'île, nous rejoignons Cucao, l'un des rares villages de la côte ouest, quasiment entièrement inhabitée. Ce côté de la grande île, fortement soumis à l'océan pacifique, est occupé sur la moitié nord par le parc naturel. La partie sud de l'île est, elle, inoccupée sur toute sa largeur. Cucao est donc un point d'entrée pour parcourir les quelques sentiers du parc national. On peut aussi se balader sur l'immense plage de sable blanc fréquentée seulement par de rares pêcheurs à la ligne ou admirer le coucher de soleil sur l'océan.
De l'autre côté du parc national, au nord ouest de l'île, se trouve l'autre grande ville de Chiloé : Ancud. Cette ville est certainement la plus ancienne car elle bénéficiait d'une très grande anse naturelle protégée de l'océan où venaient se réfugier les navires espagnols dès le XVIe siècle. Les restes de l'un des derniers bastions aux mains des espagnols lors des batailles pour l'indépendance du pays, témoignent de ce rôle prépondérant que tenait Ancud jusqu'à ce que Castro lui ravisse le titre de capitale de l'archipel. D'ailleurs, le très grand golfe situé entre l'île et le continent porte toujours son nom.
Au-delà de l'histoire, la ville est très accueillante et son port de pêche très actif nous permet de goûter enfin au « curanto ». Ce plat typique est un mélange de viande, poissons et fruits de mer tous issus des ressources de l'île.
Non loin d'Ancud, sur les îlots Puñhuil, on trouve une colonie de manchots que l'on peut approcher à quelques mètres grâce à de petits zodiacs. Il y a deux sortes de manchots qui vivent aussi haut sur la côte ouest de l'Amérique du sud (et cela jusqu'au Pérou) : le manchot de Magellan et le manchot de Humboldt. Le premier compte une population très importante (on en reverra beaucoup en Patagonie) et se caractérise par sa double bande noire sur le cou. Le second est, par contre, une espèce menacée. Il ressemble beaucoup à son cousin mais n'a qu'une bande sur le cou. Leur démarche et leur cri nous amusent d'autant que ce sont les premiers « pinguinos » que nous observons. Autant ils semblent maladroits sur terre, autant ils sont rapides une fois dans l'eau.
De retour à Ancud, depuis notre resto belvédère, nous nous délectons de notre dernier coucher de soleil. Cette île possède vraiment de multiples charmes enchanteurs...